CHANSONS N°81 : UN AUVERGNAT AU PARADIS (ALBUM 2023)

Bonjour Bruno,

Tu as publié début juillet un album consacré à Jean-Louis Murat qui s’appelle Un Auvergnat au paradis, peux-tu nous en raconter l'histoire s'il te plait ?

Bonjour Pauline,

Le 25 mai 2023 au matin, j’ai appris que Jean-Louis Murat était décédé et comme beaucoup de gens ça a été un choc terrible, il fallait que je fasse un truc.

Tu aurais pu faire une chanson ?

Je finissais un album et la dernière chanson est un hommage à Jean-Louis Murat, elle s’appelle Le silence.

Mais tu n’as pas publié cette chanson, pourquoi ?

En règle générale, je publie les meilleures chansons d’un album et je ne les éparpille pas.

Tu aurais pu faire une exception vu les circonstances ?

Oui, j’y ai pensé mais dans ma tête, j’avais déjà l’idée d’un album entier.

Donc Un Auvergnat au paradis est arrivé après ?

Oui, au début, des textes venaient et je racontais ma peine et puis d’autres textes ont pris un autre angle, celui de Murat au ciel, qui racontait ce qu’il voyait. J’ai hésité deux ou trois jours et je me suis dit que ce nouvel angle était plus intéressant. J’ai rangé les premiers textes dans un tiroir et je suis parti à fond sur le nouvel angle.

Tu as commencé quand vraiment ?

Début juin, j’ai écrit le gros des textes en deux ou trois jours, comme d’habitude, quand l’idée est forte, c’est plus facile. Mais bon, lors de la mise en musique, les textes ont énormément bougé.

Justement, comment s’est passée la composition ensuite ?

J’ai écrit Tempête sur Orcival le 7 juin et le reste dans la foulée, je te joins le scan.

La dernière chanson a été écrite plus tard, pourquoi ?

La dernière devait être Le toboggan de la vie, mais je n’en étais pas satisfait alors j’ai cherché autre chose et j’ai trouvé Vous souviendrez-vous de Murat.

Et le titre de l’album, il est venu quand ?

Une fois l’album fini, j’ai même fait un texte qui s’appelle Un Auvergnat au paradis, mais la musique n’était pas terrible alors je me suis dit, 13 titres, c’est déjà pas mal.

Et ensuite pour les voix ?

Compliqué, très compliqué, mais coup de bol, j’ai pu terminer pour le 1er juillet.

Et pour les photos des clips ?

Depuis le 25 mai, je stocke des photos, j’avais donc l’embarras du choix.

Mais tu en avais déjà dans tes ordinateurs non ?

Oui mais j’ai préféré en chercher de nouvelles et la flemme aussi de chercher dans les archives.

Tu es content de l’album ?

Oui, j’ai énormément bossé dessus, branché 24h/24 pendant un mois, j’ai essayé de faire de mon mieux.

Si tu avais pris plus de temps, aurait-il été meilleur ?

Non, je ne pense pas, il fallait garder l’émotion du moment, si je refais d’autres chansons plus tard, elles seront différentes car moins intenses, moins à vif.

C’est ça que tu voulais exprimer, le chagrin à vif ?

Je raconte ce que voit Jean-Louis Murat lorsqu’il arrive au ciel, au début il ne comprend pas, puis il comprend, il refuse la situation puis il l’accepte car il n’a pas le choix, la fin me paraît apaisée. Enfin, c’est ce que j’ai essayé de raconter.

Les textes sont truffés de références à l’œuvre de Murat, à ses chansons, son univers, sa région, donc pas vraiment compréhensibles pour le plus grand nombre non ?

C’est évident.

Donc c’est fait exprès ?

Bien sûr, sinon quel intérêt ?

Je ne sais pas, je te pose la question.

C’est comme ça que je sentais les choses, après j’ai pu me tromper.

Tu le connaissais vraiment bien alors ?

Non, je ne suis pas un fan Hardcore, je ne suis resté que trois semaines sur la Dolo Liste et je me suis barré. J’ai évité de parler de trucs plus personnels comme ses amours, ses enfants ou bien encore de politique.

Tu as écrit en 2010 un album qui s’appelle Miss Montana et moi, donc tu en sais plus que tu ne veux en dire ?

J’ai passé cinq jours avec Marianne à La Bourboule, enfin deux jours à La Bourboule à l’hôtel du Parc des fées et trois chez elle, elle était très proche d’Alain Bonnefont et donc de Jean-Louis Murat, c’est d’ailleurs grâce à Alain que Marianne s’est intéressée à moi, voilà tu sais tout.

Non je ne sais pas tout, loin de là, mais je comprends ta discrétion, d’autant qu’il y a peu de chansons de cet album sur YouTube.

Il y a Duel au Sancy et puis une autre écrite un peu plus tard qui s’appelle En hiver, tout est raconté dans les chansons.

Difficile de se faire une idée puisqu'il n'y a que deux chansons sur YT.

Duel au Sancy raconte pourquoi je ne suis resté que 5 jours et En hiver pourquoi je n'y suis pas retourné, le reste c'est du blabla.

Donc tu n'es jamais retourné en Auvergne depuis ?

Non, jamais.

Entendrons-nous un jour les autres chansons de cet album Miss Montana et moi ?

Si je réenregistre d’autres chansons de l’album et qu'elles sont réussies, je les publierai.

C'est donc prévu ?

Cet été, je refais des vieux titres, c’est mon objectif, on verra ce qu’il en sortira, quelques titres de cet album sont sur ma liste, mais entre ce que je prévois et ce que je réalise, il y a parfois des années lumières.

Pourquoi Miss Montana au fait ?     

Marianne m'avait dit qu'ils appelaient leur coin le Montana, elle était dans un hameau à plus de 1000 mètres et l'hiver là-bas, ça pèle.

Merci pour ce petit aparté Bruno, on continue ?

On continue.

Tu m’avais dit qu’il y avait au milieu des années 2000, deux forums sur Jean-Louis Murat, La Dolo Liste et le forum de Josie, dont Didier Le Bras parle dans l’interview que tu lui as accordé, ils existent encore ?

Aujourd’hui, c’est devenu des groupes Facebook, enfin il me semble.

Tu y participes ?

Non.

Pourquoi ?

Ca ne m’intéresse pas, je vis ma passion en solo depuis quelques années maintenant, même si j’ai encore quelques contacts avec des gens de l’époque, merci Facebook.

C’est grâce à Didier Le Bras et à son blog que j’ai créé le mien, tu devais lui consacrer une chanson mais tu m’avais dit ne pas trouver l’angle, l’as-tu trouvé ?

Oui, et ce fut un grand jour car ça faisait plusieurs années que je cherchais à lui rendre hommage, depuis son décès au cours de l’été 2018, et bizarrement j’ai fait la chanson le 19 mai 2023 et le 25 mai, Jean-Louis Murat partait à son tour.

C’est incroyable ça, et comment s’appelle la chanson ?

Ah Mustango.

On l’entendra quand cette chanson ?

Elle est sur le même album que Le silence, je publierai ça à partir de la rentrée je pense.

Tu as fait de très belles chansons après la disparition de Michel Delpech car tu étais triste, j’ai envie de te demander, c’est un peu indiscret mais c’est quoi la différence avec aujourd’hui ?

Rien à voir, j’ai pleuré tous les soirs pendant trois semaines depuis le 25 mai et ça m’arrive encore, je sais que c’est ridicule, mais c’est ainsi.

J’ai lu qu’il existait beaucoup d’inédits de Jean-Louis Murat, tu en as ?

J'en ai énormément oui, je pense même que je les aie tous, mais ce n’est pas toujours des chefs d’œuvre.

On peut aimer Jean-Louis Murat comme tu l’aimes et rester critique ?

Oui, ses derniers albums n’étaient pas terribles sur CD alors qu’en live les chansons étaient très rock.

Donc ?

Donc j’essaye d’être juste, par contre, si quelqu’un l’attaque, je le défendrai avec une mauvaise foi assumée.

Ecriras-tu d’autres chansons sur le vide que laisse Jean-Louis Murat dans ta vie ?

Certainement, ça me paraît inévitable.

C’est une question bateau mais quelle est ta chanson préférée et ton album préféré de Jean-Louis Murat ?

Pour l’album c’est Taormina et A bird on a poire, pour la chanson, ça dépend du jour et de l’heure, mais j’aime éperdument Elle était venue de Californie sur l’album A bird on a poire et L'au delà sur l'album Le moujik et sa femme.

Tu as repris 5 titres de Jean-Louis Murat, c'est d'ailleurs l'artiste que tu as le plus repris non ?

J'ai fait 6 titres de Sacha Distel, mais je n'ai pas tout publié.

Donc, Jim en 2013, L'au-delà, Mousse noire et Les voyageurs perdus en 2017 et Les jours du jaguar en 2020, tu en feras d'autres ?

Honnêtement je ne sais pas.

Tu as tous ses albums ?

Oui et certains sont dédicacés.

Tu lui as déjà parlé ?

Oui, vite fait lors des rencontres FNAC à Paris, je me souviens de celle du Forum des Halles ou en bien dédicaces à la fin des concerts, quelques mots échangés.

Je me souviens de lui avoir dit qu’en tant que fan d’Alain Bashung que celui-ci aurait adoré sa version d’Alcaline, ça lui avait fait plaisir, j’ai vu ses yeux briller et il a souri.
Courant 2009 ou 2010, j’avais envoyé par la poste une copie de l’album Novice à Alain Bonnefont qui le voulait, et je me suis toujours demandé si ce CD n’était pas arrivé à Douharesse, 
chacun se fait ses petits films.

Tu n’as jamais posé la question ni à l’un ni à l’autre ?

Non, laisse-moi rêver et en plus c’est une question ridicule, tout le monde s’en fout.

Tout le monde sauf toi non ?

Je te raconte ça pour l’anecdote, sans plus, si un jour on parle de Melle K, je te raconterai pourquoi le 3ème soir de l’Alhambra en 2009, elle m’a dédié une chanson, mais on est hors-sujet.

J’ai hâte qu'on en parle un jour alors, sinon tu m’avais raconté que lorsque tu étais professeur de musique, tu faisais chanter du Murat à tes élèves, tu en es fier non ?

Bon alors j’ai été professeur de musique dans un collège hors-contrat à St-Germain en Laye pendant 17 ans, donc je ne dépendais pas de l’Education Nationale, j’étais free-lance et je n’avais qu’une seule journée de cours par semaine, quelques heures à la fin.   

On faisait beaucoup de chant et j’avais remplacé la flûte à bec par une initiation à la guitare, l’établissement en avait 4.

C’est quoi un collège hors-contrat ?

C’est une entreprise, les profs n’ont pas le CAPES et le patron c’est le directeur de l’école, c’est fait pour les élèves en grandes difficultés pour diverses raisons, j’ai eu des filles et des garçons qui en classe de 3ème avaient 17 ans parfois.

Donc tu n’étais pas fonctionnaire de l’Education Nationale ?

J’étais intermittent du spectacle et mes cours ressemblaient d’ailleurs plus à des spectacles qu’à des cours classiques, merci Romane et mon année 1996 passée à l’école Atla en formation musicale professionnelle (30 heures par semaine pendant un an, rentrée en septembre 1996).
Pour les chansons, mon directeur me laissait entièrement libre, parfois je changeais un mot comme dans En cloque de Renaud, j’avais remplacé Pédé par je ne sais plus quoi, à l’époque, très peu d’internet, ça passait comme une lettre à la poste et ça m’évitait d’avoir des ennuis avec certains professeurs qui se régalaient d’aller baver ça au directeur.

Un exemple ?

Une année je faisais chanter Amsterdam...une prof de Français avait été se plaindre au directeur en disant que ça venait des parents, c’était faux, alors j’ai dit aux élèves d’arracher la page du cahier de musique...mais ils la chantaient quand même et avec encore plus d’enthousiasme, ils étaient ravis de braver l’interdit.

Avec ta bénédiction je présume ?

Mais non voyons, ce n'est pas mon genre.

Donc, les chansons de Murat dans tes cours, c’était lesquelles ?

On a fait L’au-delà, Au Mont Sans-Souci et Jeanne la Rousse au cours de ces années, à chaque fois, ces chansons plaisaient énormément aux élèves. A la fin d’un concert à Noisiel en 2015, je lui avais demandé de me dédicacer des CD et aussi une feuille où j’avais phocopié la pochette de Babel pour les élèves du Cours du Prieuré, il a gentiment accepté.

En tant qu'intermittent, quelles étaient tes autres activités musicales ?

Je bossais essentiellement avec une agence de spectacle de Triel-sur-Seine, je jouais en piano-bar en solo, parfois en duo avec un guitariste, en groupe de reprises en tant que chanteur-guitariste rythmique et je donnais aussi des cours de guitare.

D'où toutes ces chansons sur L'Hautil, le Vexin avant la Bresse c'est ça ?

Oui j'étais une partie de l'été là-bas, de 2008 à 2011, pendant que les gens de l'agence était à Foix pour leur spectacle d'été.

Tu as un beau parcours musical dis-donc.

Merci.

Je me dois de rebondir sur 1996, l’année où tu as fait les fameuses Rencontres d’Astaffort de Francis Cabrel ?

Tout à fait, c’était en octobre 96, mais c’était à côté de Nantes, ils avaient exceptionnellement délocalisé la session, ça m’arrangeait, c’était plus près de chez moi.

Il faudra que l’on reparle de ça aussi, pour en revenir aux chansons que tu faisais étudier à tes élèves, d’autres exemples ?

On a fait de Pierre Perret à Jacques Brel, le grand écart, mais bon à partir du moment où les élèves te font confiance, ils te suivent. J’avais une liste en début d’année et ils choisissaient l’ordre dans lequel on les travaillait, j’imposais les chansons en douceur. Il est arrivé que parfois un titre ne passe pas, je le supprimais et je le remplaçais. Je leur laissais toujours le choix de l’ordre et à la fin de l’heure, ils avaient chanté les 7 ou 8 chansons, voir 10 parfois.

Ils avaient le droit d’en proposer d’autres ?

Tout à fait, ils me proposaient souvent le truc à la mode et j’acceptais lorsque c’était faisable.

Un exemple ?

Vois sur ton chemin du film Les choristes ou bien encore Adele, Someone like you.

J’ai profité du fait que tu parles un peu de ton parcours, c’est assez rare que tu te laisses aller, tu ne m’en veux pas ?

Tu as su attraper la balle au bond, pas de soucis.

On sent que cette période où tu étais prof a été importante pour toi ?

Candidature spontanée, le lundi rendez-vous avec le directeur et le mercredi j’étais dans le grand bain.

Tu gardes un bon souvenir de ces années ?

17 ans de bonheur malgré une fin chaotique.

Et des années où tu étais élève ?

Un calvaire jusqu’à ce que je redouble ma classe de 3ème et ensuite un bonheur immense, j’ai pas fait grand-chose mais je me suis bien marré.

C'était à Herblay ?

A Herblay jusqu'en 3ème et à Argenteuil pour le lycée.

Sinon tu penses avoir été un bon prof de musique ?

J’étais free-lance, je partais quand je voulais, le directeur pouvait me virer quand il le voulait et ça a duré 17 ans. Le projet pédagogique était que les élèves s'épanouissent un peu dans mon cours et qu'ils en gardent un bon souvenir, je pense qu'on a réussi la mission.

On ?

Mon directeur était un fan de John Lennon, donc ça ne pouvait que bien se passer.

C’est toi qui a arrêté ?

Oui, école vendue, nouvelle direction naze et j’avais perdu l’envie, j’ai préféré partir. Il m’arrive parfois de croiser d’anciens élèves, ça se passe toujours très bien.

Je n’ai jamais joué au prof, je me suis toujours souvenu de mes années en tant qu’élève, mon approche était donc différente des autres profs et les élèves connaissaient ma devise : Je veux que vous soyez content de venir à mes cours mais je veux aussi être content de vous faire cours.

Et donc tu as appliqué ta devise ?

Exactement.

Des regrets ?

Les belles années étaient passées, je le savais, je ne suis pas du genre à m’accrocher.

Pour terminer, peut-on imaginer avoir une suite à Un Auvergnat au paradis ?

Je ne vois pas ce que je pourrais raconter de plus.

Merci Bruno pour ces belles confidences sur ce magnifique album et sur le reste, à bientôt pour la suite de l’histoire de tes chansons.

Merci Pauline et à bientôt.

Lien vers la playlist Un Auvergnat au paradis :

https://www.youtube.com/playlist?list=PLuGKtsWOwo2cl71ksDXNd1qMir5gFl2Js

Cover de L'au delà en 2017.

Un Auvergnat au paradis :

La fameuse carte de l'album Babel, dédicacée le 07 février 2015 après le concert de Noisiel.

Photos de janvier 2010, merci Bruno de nous faire partager un peu ton intimité.

CE SITE A ÉTÉ CONSTRUIT EN UTILISANT